L. Dorthe et al. (éds): Le plus ancien registre lausannois (1360-1366)

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Titel
Un notaire à l’étude. Le plus ancien registre lausannois (1360-1366)


Herausgeber
Dorthe, Lionel; Ostorero, Martine; Utz Tremp, Kathrin
Reihe
Cahiers lausannois d’histoire médiévale
Erschienen
Lausanne 2021: Cahiers lausannois d'histoire médiévale
Anzahl Seiten
288 p.
von
Gilbert Coutaz

Le plus ancien registre de notaire du canton de Vaud, conservé par les Archives cantonales vaudoises, sous la cote Dg 31, avait fait l’objet d’un seul article spécifique jusqu’à la présente étude [1]. D’une approche exclusivement juridique en grande partie démentie, on est passé à un examen méticuleux et global de la source, la plaçant dans le contexte du développement de l’écrit et la comparant à d’autres témoignages alentour. Les résultats sont nombreux : publication critique intégrale du registre, accompagnée d’un résumé et d’annotations, de l’examen de la matérialité et de la composition interne ; diverses étapes de l’enregistrement de l’acte notarié ; typologie des documents ; considérations sur le travail du notaire et sur la clientèle ; en prime, la levée de l’anonymat de l’auteur du registre.

Au-delà de l’édition scientifique, l’ouvrage offre une bibliographie à jour, une table des illustrations, des tableaux et des graphiques, ainsi que des index des matières, des noms, des personnes et des lieux. Il ouvre de nombreuses pistes de recherche.

D’abord, il aborde le travail du notaire qui va au contact de ses clients potentiels, de préférence le samedi, jour de marché à Lausanne. Il prend note sur le champ de la demande, l’enregistre à la troisième personne, de manière résumée (la « minute ») sur papier, à son retour à l’étude et la formalise (« levatio »), selon les attentes, généralement sur parchemin, en usant de la première personne du pluriel et de toutes les formules juridiques nécessaires. Le registre se situe à la deuxième étape de l’intervention du notaire ; il assure alors la pérennité des actes, garantie par le fait que, du vivant du notaire, des commissaires sont désignés pour récupérer les registres du notaire décédé. Le notaire retourne au registre de référence pour mentionner la levée, la copie, la cancellation et des compléments de l’acte ainsi que le règlement des sommes.

Ensuite, le registre de notaire reflète la vie sociale et économique du lieu de travail, définit les contours de la clientèle et les besoins de passer devant notaire. Dans le cas présent, nous avons affaire à une population avant tout lausannoise, plus précisément de la Ville inférieure, et de la région proche (Lavaux, Écublens, Renens), de toutes les catégories sociales — l’établissement d’un acte notarié est peu coûteux –, et obligée d’emprunter de l’argent pour faire face à des prêts et à des achats. Ainsi les reconnaissances représentent 30 % des actes, suivies des ventes, des accensements, des droits de rachat et des indemnités. Une faible proportion concerne le droit de la famille, à savoir des contrats de mariage et des reconnaissances de dot. Le corps professionnel dominant est celui des cordonniers que l’on rencontre aux côtés des curés, prêtres, notaires ou clercs, fourreurs, tailleurs, charpentiers, maçons, maréchaux, charretiers, aubergistes, ou encore marchands ou bouchers.

Enfin, en retrouvant le nom du notaire, Nicolas de Perroy, et celui de son successeur Jean Raverat, de Saint-Martin, il est possible de dresser leur portrait et leurs pratiques. Il apparaît que le registre est le premier qu’il ait ouvert et qu’il a également rédigé des testaments qui étaient traités séparément des autres actes. Il est possible que Raverat ait fait son apprentissage chez de Perroy.

En conséquence de ce qui précède, la nouvelle notice descriptive du registre Dg 31 est désormais celle-ci : registre en papier, mesurant 305 mm x 390/400 mm, d’un seul cahier sans couverture, sans titre et introduction, de 70 pages (en fait 17 bifeuillets et un feuillet isolé), rédigé entièrement en latin, contenant 262 actes instrumentés, dont le texte est non réglé et justifié à gauche et s’étendant sur les années 1360 à 1366. Le style du calendrier est celui de l’Annonciation.

L’apparition des notaires marque la grande révolution scripturale du Moyen Âge, deux siècles avant le développement de l’imprimerie. Ainsi, entre 1200 et 1300, le Pays de Vaud voit sa production documentaire s’accroître fortement et se diversifier. L’écrit s’affirme comme preuve à exhiber en cas de contestation. Il profite au cours du XIVe siècle d’une forme d’homogénéisation et de formalisation. Les premières mentions d’un acte notarié et d’un notaire public pour la Suisse romande datent respectivement de 1229 et de 1252, à Villeneuve et au château de Chillon, soumis à l’influence savoyarde et du nord de l’Italie. De nombreux étudiants suisses se forment à l’art notarial à l’Université de Bologne.

Le plus ancien minutier valaisan (« maître Martin »), en réalité de Suisse, a été rédigé en 1275 ; celui de Fribourg (« Registrum Lombardorum ») couvre les années 1356 à 1359, alors que son correspondant genevois porte sur les années 1373 à 1389. En raison de son état lacunaire, le registre Dg 31 n’est pas nécessairement le premier de sa catégorie.

Le champ de la recherche notariale est encore jeune pour nos régions. Le registre de notaire est la nature d’archives la mieux représentée dans les fonds d’archives. En centralisant depuis 1866 systématiquement une telle source, les Archives cantonales vaudoises offrent une continuité textuelle inégalée et dont les chiffres donnent le vertige. Pour la seule période allant de 1360 à 1837, elles conservent 5000 registres dont 203 avant 1537 et neuf de la seconde moitié du XIVe siècle, pour 2 524 bobines 35 mm correspondant à 2 047 740 prises de vue. À l’évidence, le renouvellement, l’élargissement et l’approfondissement de l’histoire vaudoise passeront par les registres de notaires. Ce nouveau Cahier lausannois d’histoire médiévale en est la preuve. Il marque un point de départ déjà enrichi par des travaux inédits ou en cours à l’Université de Lausanne et dynamisé par le lancement d’une nouvelle collection d’édition de sources par les Archives de l’État de Fribourg[2].

Zitierweise:
Coutaz, Gilbert: Rezension zu: Dorthe, Lionel; Ostorero, Martine; Utz Tremp, Kathrin (éds): Un notaire à l’étude. Le plus ancien registre lausannois (1360-1366), avec une étude d’Oriane Grandjean En quête d’un notaire inconnu, Lausanne, 2021. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 130, 2022, p. 222-223.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 130, 2022, p. 222-223.

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